Après une dernière pile un peu mitigée, me revoilà avec 3 romans.
Oui, c’est moins que d’habitude, mais d’une part deux d’entre eux sont de très gros pavés (plus de 1000 pages), et d’autre part j’avais pas mal de choses à vous dire à leur sujet !
J’espère que cela vous intéressera voire vous convaincra de lire certains d’entre eux.
Max – Sarah Cohen-Scali
Dans le cadre du programme Lebensborn, initié par le régime nazi, des femmes spécialement sélectionnées mettent au monde les futurs représentants de la race aryenne.
Max, un bébé qui s’apprête à naître, déjà nourri de la doctrine nazie dans le ventre de sa mère, tient absolument à voir le jour le 20 avril, date anniversaire du Führer, afin d’être un parfait petit aryen. Rebaptisé Konrad, il grandit sans affection, sans tendresse, sans maman, selon les critères d’éducation des nazis…
Un énième roman sur la Seconde Guerre Mondiale, qui se démarque en abordant un sujet assez peu traité: le programme Lebensborn, visant à créer une génération de parfaits petits Allemands, blonds aux yeux bleus (selon les critères aryens), formatés par les nazis…
A ceci s’ajoute une originalité narrative: l’histoire est racontée par Max, d’abord fœtus, puis bébé, et enfin enfant. L’auteur arrive parfaitement à se mettre dans la peau de ce petit garçon, dont j’ai beaucoup apprécié les réflexions pleines de vivacité d’intelligence et parfois d’insolence et de révolte.
Le style est parfait, fluide, clair, facile à lire mais pas simpliste pour autant, et, mine de rien, extrêmement bien documenté.
Cela m’a rappelé deux autres romans que j’avais beaucoup aimés, dont les narrateurs sont également des enfants : Room (dont j’avais parlé ici) et surtout l’extraordinaire Lignes de faille (qui partage également d’autres points communs avec Max… mais je ne voudrais pas spoiler !).
Max, petit garçon intelligent et sûr de lui (pour ne pas dire arrogant), a tout pour nous paraître antipathique.
Et pourtant, la magie opère, on s’attache rapidement à Max, que l’on voit grandir peu à peu: bébé, puis petit garçon, dans le centre qui l’a vu naître, privé de sa maman, dont il ne garde qu’un lointain souvenir enfoui. Beau, sportif, bon élève, devenu la mascotte du centre, il est utilisé par les nazis lors des enlèvements d’enfants polonais, auxquels il participe, avant d’être montré en exemple dans l’école où sont germanisés les enfants kidnappés.
Vivant dans le mensonge et la manipulation, Max n’aura de cesse, malgré son attachement viscéral au régime nazi, d’essayer de comprendre les choses et de relever les contradictions et incohérences dont on l’abreuve depuis toujours.
Touchant quand il laisse transparaître son immense besoin d’affection, il va se trouver un grand frère idéal en la personne du Lukas, un garçon plus âgé, intelligent, rebelle et provocateur, qui cache un dangereux secret… Luttant contre son affection pour Lukas, qui remet en cause toutes ses certitudes et son « formatage », on voit peut à peu Max évoluer dans une situation de plus en plus inconfortable jusqu’à une conclusion vraiment poignante, qui m’a mis les larmes aux yeux.
Non seulement les personnages et leurs trajectoires personnelles sont très réussis, mais le contexte historique dans lequel ils évoluent est passionnant : la Seconde Guerre mondiale vue depuis l’Allemagne et la Pologne.
Le programme Lebensborn visant à créer la nouvelle génération de parfaits aryens blonds aux yeux bleus, le kidnapping et la germanisation forcée d’enfants étrangers (polonais notamment) au « physique aryen », la prise de Berlin par les Russes et l’effondrement du 3ème Reich… Ces événements vus et racontés par un enfant apparaissent dans toute leur absurdité et leur horreur.
En cela, Max est un roman profondément dur et choquant (je suis d’ailleurs un peu surprise qu’il ait été édité dans une collection jeunesse), parfois dérangeant, mais tellement passionnant et bouleversant qu’il faut absolument le lire.
Pour ma part, j’ai été complètement happée par l’histoire et les personnages, que j’ai eu beaucoup de mal à quitter une fois ma lecture terminée. J’adore ce type de récits, qui mettent une bonne claque, qui font réfléchir, qui vous hantent pour un petit moment… Un grand merci à Mademoiselle Cordélia qui me l’a fait découvrir !
22/11/63 – Stephen King
2011, Maine, USA. Jake Epping, jeune professeur d’anglais, se voit investi d’une étrange mission par son ami Al, atteint d’un cancer. Ayant découvert une faille spacio-temporelle permettant de se rendre en 1958 au fond de son restaurant, Al cherche depuis à trouver un moyen d’empêcher l’assassinat de Kennedy. Sur le point de mourir, il demande à Jake de reprendre le flambeau…
Je n’ai jamais eu l’occasion de vous en parler ici, mais entre les livres de Stephen King et moi, c’est une longue, très longue histoire…
C’est l’un des auteurs qui m’a le plus marquée, que j’ai lu passionnément pendant des années, entre 1997 et 2005, pour être exacte…
J’ai commencé par Shining, sur les conseils d’une copine de collège qui était accro. Et là… J’ai plongé. J’ai dévoré tous ses romans que j’ai pu trouver à la bibliothèque de mon village.
Une fois ce premier stock épuisé, j’ai acheté ses autres romans en livre de poche. Bref, j’ai lu presque tout ce qu’il a écrit jusqu’en 2005 (seul un ou deux recueils de nouvelles, et certains romans parus sous le nom de Richard Bachman ont échappé à ma frénésie).
Et puis, dans les années 2000, j’ai décroché… Ses derniers romans ne m’ont pas autant transportée, certains m’ont même paru plutôt ratés comme Sac d’Os qui m’a profondément ennuyée ou Dreamcatcher, qui a été le coup de grâce… En résumé, je dirais qu’il n’est pas toujours bon, mais quand il est bon, c’est le meilleur, il peut vous emporter très très loin !
La lecture de 22/11/63 avait donc pour moi un petit goût de retrouvailles… je n’ai pas été déçue !
Le roman est long, très long: plus de 1000 pages. Et pour cause : Jake Epping (rebaptisé George Amberson) arrive dans le passé 5 ans avant l’assassinat de Kennedy… 5 années pendant lesquelles il va découvrir son nouvel environnement, travailler, rencontrer de nombreux personnages, bref, vivre tout simplement !
Lee Harvey Oswald et l’intrigue concernant JFK n’arrivent finalement que tardivement dans le roman (grosso-modo dans la seconde moitié), mais peu importe, car l’intérêt du livre réside en grande partie dans les enjeux plus « personnels » de Jake/George, qui nous intéressent tout autant (si ce n’est plus!) que la fameuse question « Va-t-il sauver Kennedy et changer l’avenir? »
Outre l’intrigue, originale, parfaitement documentée, prenante, bien menée, et mêlant habilement la petite histoire à la grande, j’ai retrouvé tout ce que j’aime chez Stephen King, et en premier lieu, son sens des personnages. Il n’a pas son pareil pour construire des personnages attachants, crédibles, entre petits détails et anecdotes qui les rendent terriblement humains.
Ensuite, comme dans beaucoup de ses romans et nouvelles, on a droit à de très beaux moments, très émouvants; je pense notamment aux scènes de danse, qui reviennent régulièrement rythmer le récit, comme un motif qui se répète. Les gens n’ayant pas l’habitude de lire des romans de King sont généralement surpris par cet aspect émouvant de l’histoire, et pour cause : on met sans cesse en avant son titre de roi de l’horreur, dus suspense, du fantastique. Ce n’est pas faux, mais c’est terriblement réducteur.
Pour moi, la force de ses romans, c’est avant tout leur humanité, l’immense émotion qui s’en dégage, et 22/11/63 ne déroge pas à la règle. Stephen King est tout simplement l’auteur qui m’a fait le plus pleurer dans ma vie de lectrice. J’ai été littéralement bouleversée par Ça, les personnages des enfants m’ont énormément marquée, j’étais d’ailleurs très émue de retrouver Bev et Richie à Derry dans 22//11/63, le temps d’une très jolie scène (…de danse, et oui, je vous l’avais dit que c’était récurrent), située quelques mois à peine après les événements de Ça. Pour tout vous avouer, j’avais les larmes aux yeux dans le métro en lisant cette scène.
J’en viens d’ailleurs à un autre point qui m’a plus dans 22/11/63 et qui est également typique de Stephen King : les petites auto-références qu’il distille, par-ci par-là, comme autant de clins d’œil facétieux à destination de ses plus fidèles lecteurs.
Outre la présence de Bev et Richie de Ça, on croise pêle-mêle la Plymouth Fury rouge (Christine, on t’a reconnue), un père alcoolo qui massacre sa famille à coup de marteau (toute ressemblance avec Jack Torrance de Shining est bien sûr purement volontaire), l’équipe de football d’Arnette, la ville de Stu Redman (héros du Fléau), la fameuse prison de Shawshank dont s’évade Andy Dufresne dans La Rédemption de Shawshank (aka Les Évadés).
Et bien sur l’inévitable référence à la Tour Sombre (j’étais certaine qu’il y avait une histoire de Rayon derrière tout ça!)
On pense aussi parfois à Retour vers le Futur : le livre « Sport 1958-63 » qu’utilise Jake/George pour se faire un peu d’argent dans le passé évoque irrésistiblement le fameux « Almanach des sports » de Marty McFly…
En résumé, j’ai été ravie de retrouver Stephen King dans ce roman aussi original que réussi, qui n’est pas exempt de longueurs mais s’avère néanmoins passionnant! A lire, si vous n’avez pas peur des gros pavés…
L’Hiver du monde (Le Siècle tome 2) – Ken Follett
1933, Hitler s’apprête à prendre le pouvoir. L’Allemagne entame les heures les plus sombres de son histoire et va entraîner le monde entier dans la barbarie et la destruction. Les cinq familles dont nous avons fait la connaissance dans La Chute des géants vont être emportées par le tourbillon de la Seconde Guerre mondiale. Amours contrariées, douloureux secrets, tragédies, coups du sort… Des salons de Buffalo à Pearl Harbor bombardé, des Pyrénées espagnoles à Londres sous le Blitz, de Moscou à Berlin en ruines, tous tenteront de faire face au milieu du chaos…
Eh oui, il y a toujours au moins un roman de Ken Follett dans mes compte-rendus de lecture… Une fois n’est pas coutume, le Ken Follett est le livre que j’ai le moins aimé parmi les romans que je vous présente aujourd’hui (mais attention, c’est surtout parce que j’ai adoré les deux autres !)
Souvenez-vous j’avais moyennement aimé La chute des géants, le premier tome de la saga Le Siècle et je crois que je n’aurais pas lu le second si on ne me l’avait pas offert (merci Maman !).
Mais je ne regrette pas car j’ai préféré le second volet au premier. J’ai bien aimé les personnages (contrairement au tome 1) et j’ai moins senti de longueurs, même s’il y en a tout de même quelques unes: sur plus de 1000 pages (et oui, encore !), c’est inévitable.
Le mix épopée historique/thriller politique/histoires d’amour/drames personnels/roman d’espionnage est bien dosé et fonctionne à merveille. Comme toujours avec Ken Follett les (nombreuses) intrigues et (nombreux) personnages alternent a chaque chapitre, évitant ainsi toute lassitude.
Cependant, ayant déjà lu pas mal de romans de Ken Follett, j’ai remarqué certaines redondances qui m’ont paru un peu abusées… Il nous ressort sans vergogne certains schémas déjà utilisés dans ses autres histoires, d’où parfois une impression de « déjà lu ».
C’est particulièrement flagrant au niveau des romances entre les personnages : Ken Follett nous refait le coup du jeune garçon qui craque sur une fille plus âgée et met des années à la conquérir (comme dans… Les Piliers de la Terre), ainsi que celui de la jeune fille riche qui épouse un aristocrate, puis, déçue par son mari, le quitte pour le jeune homme pauvre qui, lui, l’aime et la soutient depuis le début (comme dans… Le Pays de la liberté).
On a vraiment l’impression que Ken Follett ne s’est pas foulé et nous ressort toujours les mêmes recettes.
Encore plus fort : il arrive même à créer ce type de redondances au sein même du roman !
**attention spoiler** : à deux reprises, un personnage masculin de L’hiver du monde apprend que son père n’est pas celui qu’il croyait et se découvre par la même occasion un demi-frère inattendu parmi les autres personnages du roman.
Oui, à DEUX reprises dans le même roman… #TooMuchVousAvezDitTooMuch
Autres reproches : comme dans le tome 1, j’ai regretté que la France soit totalement absente des intrigues et qu’il n’y ait aucun personnage français.
De même, j’ai été surprise que Ken Follett ne parle quasiment pas des camps de concentration… Pour un roman qui a pour ambition d’être un panorama plutôt complet de la Seconde Guerre mondiale, j’ai trouvé que c’était un grosse erreur…
Bon, malgré ces quelques manques et incohérences, j’ai passé un moment plutôt sympa avec L’Hiver du monde (et il vaut mieux car c’est un gros, très gros pavé). Le Siècle n’est clairement pas la saga de Ken Follett que je préfère, mais se laisse néanmoins lire agréablement. Je lirai probablement le tome 3, qui parle de la Guerre Froide (mais pas tout de suite).
Alors, êtes-vous tenté-e-s par ces romans ? En avez-vous déjà lu certains ?
2 commentaires
Salut Aurélie,
J’ai lu les deux derniers romans que tu présentes. Et je suis globalement assez d’accord avec tes analyses.
Le King m’a beaucoup surpris car comme tu le précises, je faisais partie de ceux qui le pensaient uniquement tourné vers l’horreur. Quelle belle surprise que de retrouver une intrigue de sciences fiction plus classique.
Sur ce roman, je partage ton avis sur les scènes dite émouvantes, à la différence que pour moi la larme a coulé au moment de la représentation de Des souris et des hommes, un roman qui m’a personnellement beaucoup marqué. J’avais littéralement l’impression d’être dans le gymnase du lycée de Jodie avec les personnages.
En revanche j’ai été un peu déçu par la vision du futur une fois que Jake est « rentré » en 2011. Je l’ai trouvé peu justifiée et surtout peu inspirée…
La toute fin du roman est toutefois un parfait exemple de maîtrise et d’intelligence de scénario. D’ailleurs King avoue que cette fin n’est pas complètement de lui.
En ce qui concerne Follet je suis encore une fois assez d’accord avec toi sur les redondances d’un roman à l’autre (perte de virginité, découverte du lien de filiation, mort tragique de l’être aimé de l’un des personnages phares…) que l’on peut aussi résumer rapidement à une perpétuelle injustice qui s’abat sur ses héros.
Plus qu’un défaut récurrent, j’analyse cela comme une force qui permet au lecteur de ne pas se perdre dans l’immensité des livres de Follet (un peu comme les Running gags d’un comique). Clairement ses livres ne doivent pas s’enchaîner car ils pourraient lasser. Mais lorsque c’est la première fois qu’on lit une des fresques de Follet, quelle claque !
L’autre force de l’ouvrage réside dans la puissance des descriptions historiques. Malgré l’absence de personnages français et de mention des camps. Peut être des questions à lui poser ? 🙂
J’attends la sortie en poche de « Aux portes de l’éternité » ça me laissera le temps de bien digérer l’Hiver des mondes
Je n’ai pas lu le troisième de la sélection mais peut être me laisserai-je tenter lorsque j’en aurai le temps.
A bientôt.
[…] ralenti mon rythme de lecture ces derniers mois… et je suis en retard dans mes compte-rendus, le dernier remontant à début […]